L’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué un vif élan de protestation en Suisse. Samedi, environ 2000 manifestants à Genève et 10 000 à Berne ont réclamé l’arrêt immédiat des hostilités. Ils ont aussi lancé un appel à solidarité avec les centaines de milliers de personnes contraintes à l’exil en seulement quatre jours de guerre.

«Si les hostilités durent plusieurs semaines, on estime à 5 millions le nombre de personnes qui seraient obligées de quitter l’Ukraine», déplore Andrej Nicolai Lushnycky, président de l’Association des Ukrainiens de suisse et consul honoraire d’Ukraine. «C’est tout simplement horrible. A l’instar de pays comme la Pologne ou la Slovaquie, la Suisse doit marquer sa volonté de les accueillir.»

La solidarité envers l’Ukraine se manifeste par une véritable ruée sur le drapeau national bleu et jaune: l’Association des Ukrainiens de Suisse est presque en rupture de stock. Il faut dire qu’il a été hissé sur des bâtiments officiels comme à Berne et Bâle. Une demande pour faire de même à Fribourg va être déposée et les communes peuvent commander le drapeau.

Via la page Facebook de l’association (Ukrainian society of Switzerland), Andrej N. Lushnycky a reçu des centaines de propositions d’Ukrainiens résidant en Suisse ou de gens qui veulent mettre à disposition un logement. Estimée à 20 millions de personnes dans le monde, la diaspora ukrainienne se mobilise dans une soixantaine de pays. En Suisse, la communauté est estimée à 7000 personnes mais s’y ajoute au moins une bonne moitié qui a obtenu le passeport suisse ou qui sont des descendants d’émigrés.

«Non seulement pour l’accueil des réfugiés mais aussi pour les sanctions, le Conseil fédéral doit suivre l’exemple de l’Union européenne», ajoute Andrej N. Lushnycky. «Il y a une certaine pression de la population et du Parlement qui peuvent avoir de l’effet: on verra demain (ndlr aujourd’hui lundi) si c’est le cas. La neutralité ne veut pas dire indifférence. Geler les avoirs russes dans les banques estimés à 11 milliards de francs est impératif. Il faudra beaucoup d’argent pour reconstruire le pays.»

Menace comprise

Pour le président de l’Association des Ukrainiens de Suisse établi à Fribourg, le fait que des voisins de son pays comme la Pologne se montrent généreux en termes d’accueil de réfugiés est un signe. «Ils ont compris la menace que représente Vladimir Poutine pour leur propre intégrité», poursuit. Andrej N. Lushnycky.

«Les Polonais sont convaincus qu’il ne va pas s’arrêter à l’Ukraine. Si l’on n’est pas unis, cela s’annonce très mal. Même la Hongrie et son dirigeant, Viktor Orban, sont d’accord pour couper Swift à certaines banques russes. C’est un vrai changement de mentalité. Sans compter l’Allemagne qui a décidé de livrer des armes.»

Imaginez que vous avez 8 minutes pour partir de chez vous. Comment faites-vous?

Andrej Nicolai Lushnycky, président de l’Association des Ukrainiens de suisse

Andrej N. Lushnycky qualifie d’incroyable la résistance qu’opposent l’armée ukrainienne ainsi que les civils qui ont pris les armes. Occuper la totalité d’un pays grand comme la France et peuplé de 43 millions d’habitants ne sera pas une mince affaire pour Vladimir Poutine. Mais il est conscient que le martyr ne pourra être supporté longtemps.

«Je propose à vos lecteurs de réunir leur famille à la cuisine et de se livrer à un exercice pour réaliser ce qui arrive aux Ukrainiens», explique le président de l’Association des Ukrainiens de Suisse. «Imaginez que vous avez 8 minutes pour partir de chez vous. Comment faites-vous? Qu’emportez-vous sur le chemin de l’exil? Les grands-parents ne peuvent pas vous accompagner. Il faut faire des photos pour identifier chacun au cas où vous viendriez à être séparés. C’est inimaginable!»

Craintes de coupures

Et qu’espérer des propositions de pourparlers faites par les Russes dans un premier temps? «C’était un piège, car elles devaient se tenir initialement en Biélorussie, un pays sous la botte de Poutine d’où sont partis les tirs de missiles et les tanks», rétorque Andrej N. Lushnycky.

Finalement, des discussions devraient avoir lieu à la frontière avec le Bélarus, près de Tchernobyl. Le président du Bélarus, Alexandre Loukachenko, aurait fait aboutir ce rendez-vous. Pour l’heure, la priorité du président des Ukrainiens de Suisse est de rester en contact avec son pays.

«Nous sommes bien connectés mais nous redoutons une coupure des communications», conclut-il. «Heureusement, le milliardaire Elon Musk a mis à disposition ses satellites pour la couverture Internet du pays. Et il y a aussi des journalistes courageux sur place comme ceux de Keyv Independent qui font un boulot formidable d’information.»

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