L’euphorie de l’élection au Conseil fédéral ne dure pas longtemps. A peine Elisabeth Baume-Schneider arrivée à la tête du Département fédéral de justice et police (DFJP) et donc de l’asile, qu’elle s’en va au-devant d’une année laborieuse. En décembre, tout indique que l’UDC a massivement voté pour l’accession de la Jurassienne au Conseil fédéral. En ce début d’année, le premier parti du pays va en faire sa cible privilégiée, lui qui a d’ores et déjà choisi l’asile comme thème de l’année électorale 2023.

Dans la «Neue Zürcher Zeitung» début décembre, le conseiller national Marcel Dettling (udc, SZ) annonçait la couleur: «Nous accordons un délai de grâce à la conseillère fédérale». Ce délai semble passé: pas plus tard que la semaine dernière, le président du parti Marco Chiesa demandait à la Confédération de faire comme l’Italie et de renvoyer les demandeurs d’asile en Afrique.

C’est la méthode UDC d’attaquer les conseillers fédéraux, notamment socialistes. C’est assez grossier.

Valérie Piller Carrard, conseillère nationale (PS/FR)

La semaine dernière toujours, le parti évoquait sa possible future initiative populaire qui promet de résoudre «l’urgence humaine et climatique de la migration». Il affûte ses armes en ce moment-même, lors d’un séminaire qui se tient à Bad Horn (TG). La socialiste fribourgeoise Valérie Piller Carrard rouspète: «Tout cela ne me surprend pas. C’est la méthode UDC d’attaquer les conseillers fédéraux, notamment socialistes. C’est assez grossier».

Situation délicate

Sur le front de l’asile, la pression est allée en augmentant durant l’année 2022. Depuis février et l’activation du statut S pour les victimes de la guerre, jusqu’à 75 000 personnes sont arrivées en Suisse. Chaque mois, jusqu’à 3000 demandes de plus sont recensées. A cela s’ajoutent une vague migratoire plus «classique» et ses quelque 25 000 demandeurs d’asile à fin 2022. Tant d’éléments qui mettent sous pression le système d’asile dans les cantons, qui peinent à suivre les demandes d’accueil en hébergements.

«Je pense que Karin Keller-Sutter a refilé la patate chaude» à Elisabeth Baume-Schneider, analyse le conseiller national UDC Jean-Luc Addor, pour qui «l’asile brûlait les doigts du PLR». Le Valaisan ne le cache pas: lui et son parti n’auront pas de scrupules à taper sur le PS «maintenant que cette question est remontée au hit parade des préoccupations des Suisses». Pour Jean-Luc Addor, «nous avons beaucoup parlé des Ukrainiens, mais ils masquent le reste du phénomène d’immigration planétaire de masse».

Elisabeth Baume-Schneider devra régler les problèmes qui se poseront.

Jean-Luc Addor, conseiller national (UDC/VS)

L’UDC en profite pour dénoncer les accords de Schengen/Dublin, qui ne fonctionneraient tout simplement pas. Selon le Valaisan, la nouvelle conseillère fédérale devra assumer ce qu’elle fait. «Ou ce qu’elle ne fait pas. Personnellement, j’estime qu’il faut tout entreprendre pour rétablir le contrôle aux frontières». Jean-Luc Addor prévient que la Jurassienne ne pourra pas faire de «l’idéologie comme elle l’a fait lors de sa campagne» en évoquant un élargissement du statut de protection S aux Iraniens. «Elle devra régler les problèmes qui se poseront.»

«Ce n’est pas crédible»

«Je ne vois pas vraiment comment la Suisse peut durcir encore sa politique d’asile», rétorque Valérie Piller Carrard, qui estime que l’UDC, «à court d’idées, n’est plus crédible». Pour la Fribourgeoise, la cheffe du DFJP saura de toute façon très bien se défendre face aux «coups bas» du premier parti de Suisse.

Sénatrice écologiste et proche de la nouvelle conseillère fédérale, Lisa Mazzone affirme que l’enjeu pour Elisabeth Baume-Schneider sera de faire de la migration également une question de main-d’œuvre et de marché du travail, dans un contexte de pénurie. «Créer le dialogue avec les milieux économiques pourrait mettre le PLR sous pression alors qu’il a tendance, par effet de mimétisme, à faire le jeu de l’UDC», assure la Genevoise. Lueur d’espoir pour elle: certains représentants des associations économiques font déjà le lien entre migration et marché du travail.

Là où Jean-Luc Addor et Lisa Mazzone se rejoignent, c’est dans le possible verrouillage de la politique d’asile par le Conseil fédéral. Le premier ne pense pas qu’il y aura de changement. «Je n’attends pas seulement la nouvelle ministre au contour, mais tout le Conseil fédéral. Or je n’ai pas plus confiance dans l’exécutif aujourd’hui qu’avant», soupire-t-il. Pour la deuxième, le risque existe que le Conseil fédéral bloque les positions et que la Jurassienne doive mettre en œuvre «les options politiques restrictives qui prévalaient avec Karin Keller-Sutter» sans qu’elle-même puisse y mettre sa patte.

Guillaume Chillier, La Liberté

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