A côté du ballet des grues et des camions, une douzaine de manifestants du mouvement Extinction Rebellion entonnent leurs chants pour la préservation de la planète. Sur leurs pancartes: «dites la vérité» ou encore «se passer du pétrole, des énergies renouvelables pour tous».

S’ils sont là ce lundi matin dans la petite commune argovienne, c’est pour attirer l’attention des médias conviés à une présentation sur l’état d’avancement des travaux de la première centrale à gaz de secours de Suisse.

Construite sous la responsabilité de General Electric (GE) sur mandat de la Confédération, elle doit temporairement servir à produire de l’électricité en cas de pénurie cet hiver, et les suivants. Une installation mise en place dans l’urgence en raison des tensions d’approvisionnement provoquées par la guerre en Ukraine.

Edifiée sur le site de l’entreprise américaine, l’infrastructure doit être fonctionnelle le 15 février prochain, alors que le contrat passé avec l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) n’a été conclu qu’au début du mois de septembre. Un calendrier «très sportif», souligne Christian Verhoeven, responsable du projet et directeur des nouvelles technologies (CTO) auprès de GE Gas Power Switzerland.

null Une douzaine d’activistes du climat sont venus protester contre la construction de la centrale à gaz de secours. Photo: BSC

Démontée après 2026

Concrètement, huit turbines à gaz pourront être activées afin de fournir une puissance de 250 mégawatts, l’équivalent des trois quarts de la puissance de l’ancienne centrale nucléaire de Mühleberg (BE). Dans le cas où le gaz naturel devait venir à manquer, les huit générateurs pourront aussi fonctionner au fioul, au biogaz, au biodiesel, à l’hydrogène et avec des combustibles synthétiques produits à partir d’énergies renouvelables, détaille Christian Verhoeven.

Pour l’heure, il est prévu que cette centrale de secours soit actionnable jusqu’au printemps 2026, puis qu’elle soit démontée. Avec l’espoir qu’elle ne soit jamais utilisée, si ce n’est que pour les tests d’usage.

Mais rien n’est certain. «Un risque de pénurie d’électricité cet hiver n’intervient que dans 13% des simulations réalisées dans notre étude. Ce n’est pas rien. Cela signifie que, si vous traversez la route dix fois, une voiture vous écrasera au moins une fois. C’est justement pour éviter un tel accident que cette centrale de réserve est construite ici», illustre Marianne Zünd, porte-parole de l’OFEN.

«Et nous ne savons pas du tout dans quelle situation nous serons l’année prochaine. Elle pourrait être pire avec la fin des livraisons du gaz russe. Face à ces incertitudes, il a été décidé de sécuriser notre approvisionnement pour les quatre prochains hivers avec cette centrale», poursuit la communicante.

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***SPERRFRIST 10:30 UHR*** --- ZUM RESERVEKRAFTERK MIT GEPLANTEN ACHT MOBILEN GAS-TURBINEN DER GE GAS POWER STELLEN WIR IHNEN FOLGENDES BILDMATERIAL ZUR VERFUEGUNG. WEITERE BILDER FINDEN SIE AUF visual.keystone-sda.ch --- Arbeiter installieren die Turbine eines Reservekraftwerks auf dem Areal von GE Gas Power wo zurzeit ein Notkraftwerk gebaut wird, aufgenommen mit einer Drohne in Birr AG, am Donnerstag, 24. November 2022. Die acht geplaten mobilen Turbinen sollen mit Gas, Oel oder Wasserstoff betrieben werden und sollen ab Februar 2023 einsatzbereit sein. (KEYSTONE/Michael Buholzer)

Les premiers tests de la centrale de secours devraient avoir lieu entre décembre et janvier prochains. Photo: Keystone/Michael Buholzer

Près de 500 millions de francs

Le coût total de la construction est d’environ 470 millions de francs, sans compter le prix d’une potentielle utilisation. De l’argent qui proviendra directement des factures payées par les consommateurs d’électricité: 1,3 centime est ajouté à chaque kilowattheure pour financer les coûts de cette centrale, mais aussi d’autres ressources mises en place pour réduire le risque de pénurie.

D’autres centrales à gaz déjà construites seront aussi mobilisables pour ces prochains hivers. Ce pourrait notamment être le cas de celle de Cornaux, dans le canton de Neuchâtel.

Et le coût environnemental de toute l’opération? «Ces centrales ne seront utilisées qu’en cas d’urgence. Ce que tout le monde souhaite, c’est qu’elles restent endormies. Le plus important aujourd’hui est d’aller le plus vite possible avec le développement des énergies renouvelables en Suisse», répond Marianne Zünd.

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Vers la construction d’autres centrales

Une chose est sûre: si la centrale de Birr devait être activée, il sera impossible d’échapper à une augmentation de la pollution, tant sonore que de l’air, même si des mesures d’atténuation sont prévues. Pour permettre son utilisation, le Conseil fédéral a dû procéder à des adaptations législatives temporaires. Il a notamment augmenté temporairement les valeurs limites autorisées pour les émissions d’oxyde d’azote et de monoxyde de carbone.

Pour deux semaines d’exploitation, l’installation dégagerait au maximum 39 tonnes d’oxyde d’azote au gaz naturel ou 68 tonnes avec du pétrole. Cela correspondrait aux émissions annuelles d’environ 50 000 voitures diesel ou 2500 camions, selon l’OFEN.

Et ce n’est pas l’unique centrale à gaz qui pourrait être construite ces prochaines années. En parallèle de ces mesures d’urgence pour les prochains hivers, le Conseil fédéral prévoit en effet de mettre en place une réserve de 1000 mégawatts jusqu’à la fin de la décennie.

En cause: la brouille suisse avec l’Union européenne, qui empêche la conclusion d’un accord sur l’électricité. Ici encore, la Confédération compte sur ces infrastructures polluantes. Soit réveillant d’anciennes installations, soit en construisant de nouvelles installations, souffle Marianne Zünd.

Les premières turbines à gaz sont arrivées sur le site ces derniers jours. Photo: Keystone/Michael Buholzer

Pénurie d’électricité: la Suisse se dote d’une 3e centrale de réserve

Après celle de Birr et de Cornaux, la Confédération a choisi une troisième centrale de réserve. Située en Valais, Thermatel dispose d’une puissance de 50 mégawatts.