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Il marche vite. Son pas est à la fois léger et assuré. Le sentier des Toblerones, qui passe par Vich et qui suit la rivière de la Serine, Daniel Perler le connaît bien. Entre feuilles mortes et pierres mouillées, c’est là, dans la forêt, qu’il aime marcher ou courir, chaque jour.

Ce Nyonnais détient des records d’alpinisme dont peu peuvent se vanter. Il a accepté de revenir sur l’un des événements les plus marquants de sa vie autour d’un café dans le centre du village de Vich: son ascension de l’Everest en 2002.

À peine installé, l’ancien postier de Prangins raconte. À l’époque, il a 50 ans. Il a déjà gravi trois des «Seven Summits», soit les montagnes les plus hautes de chaque continent. L’Everest fait partie de la liste et lui trotte dans la tête depuis un certain temps.

On doit passer du temps en altitude afin d’habituer notre corps.

Daniel Perler, alpiniste nyonnais

Il décide de réaliser l’ascension du toit du monde par l’arête nord, du côté du Tibet. Cette voie était peu empruntée par les alpinistes. En tout, l’expédition a duré deux mois. «On doit passer du temps en altitude afin d’habituer notre corps, notamment au manque d’oxygène.»

Daniel Perler reste près de quatre semaines au premier camp de base, à 5400 mètres d’altitude. «Une fois bien acclimaté, je suis monté au camp de base avancé, logé à 6400 mètres, pendant quatre semaines supplémentaires. C’est de là que partent les expéditions pour le sommet.»

Trois jours d’ascension

Il fait alors partie d’une équipe composée de plusieurs alpinistes de nationalités différentes. «Je préférais partir seul et me greffer à un groupe. Le fait que personne ne se connaissait a été la clé du succès: chacun a pris sur soi et s’est adapté aux autres.» Sur place, Daniel Perler se lie d’amitié avec un alpiniste espagnol.

Un matin, le Nyonnais consulte la météo. Elle annonce plusieurs jours de beau. «Je me suis dit: c’est maintenant ou jamais.» Avec son coéquipier espagnol et leurs deux Sherpas népalais, ils se lancent alors pour trois jours d’ascension finale.

Il nous fallait une demi-heure pour mettre une chaussure, soit une heure en tout.

Daniel Perler, alpiniste nyonnais

Dans la montée, les Sherpas s’occupent de porter et de monter les tentes. Une première nuit se fait dans la pente à 7000 mètres, puis une deuxième à 7900 mètres. Le troisième jour, les quatre hommes se réveillent à 2 heures du matin. «Il nous fallait une demi-heure pour mettre une chaussure, soit une heure en tout. Le cuir était gelé, il faisait froid.»

Le groupe se met en marche. Daniel Perler est premier de cordée. Masque à oxygène sur le visage, ils avancent d’un pas lent et lourd tant l’effort est pénible. «Il restait 40 mètres avant d’atteindre le sommet. Avec mon binôme, on a fait la course. Il est arrivé le premier.»

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Redescendre absolument

Arrivé sur le toit du monde, Daniel Perler n’a alors qu’une idée en tête: redescendre. «On sait que neuf accidents de montagne sur dix se produisent à la descente.» Le temps de prendre la seule et unique photo de son expédition et de verser une larme de joie, l’alpiniste ne reste qu’une dizaine de minutes là-haut, à 8848 mètres d’altitude.

«Cela a été un moment extraordinaire. On avait une vue à 360 degrés sur la chaîne de l’Himalaya et on apercevait, à l’horizon, la courbure de la Terre.»

Daniel Perler, à gauche, avec son coéquipier espagnol. Il s’agit de la seule photo au sommet de l’Everest que l’alpiniste possède. Photo: DR

Durant cette expérience, Daniel Perler se confronte aussi à la réalité de la montagne. Sur le chemin menant au sommet, il croise le cadavre d’un alpiniste mort de froid dans une grotte et doit en enjamber un autre. «Ce deuxième cadavre est devenu un repère, car il est reconnaissable aux chaussures vertes qu’il porte.» La dépouille, maintenue collée au sol par le gel, s’avère impossible à déplacer.

De son côté, Daniel Perler avait signé des décharges avec ses coéquipiers stipulant qu’en cas de décès de l’un d’entre eux, les autres n’étaient pas tenus de rapatrier le corps.

J’en avais marre, cela faisait 49 jours que j’étais sur la montagne. Je voulais rentrer chez moi.

Daniel Perler, alpiniste nyonnais

Au camp de base avancé, Daniel Perler s’effondre de fatigue et dort 24 heures d’affilée. Son idée de rentrer au plus vite ne le quitte pas. «J’en avais marre, cela faisait 49 jours que j’étais sur la montagne. Je voulais rentrer chez moi.»

Retour au camp de base avancé à 6400 mètres. Daniel Perler, avec le bandeau rouge, pose avec les Sherpas népalais. DR

Peur et solitude

A-t-il eu peur? «Oui, bien sûr. J’ai pensé aux risques, mais ces derniers nous font avancer. Le plus important est de garder les idées claires et d’être bien préparé. Au final, le plus difficile était le mental.»

De retour chez lui, Daniel Perler ne raccroche pas. Il réalise l’ascension des montagnes les plus hautes des sept continents, puis, une fois cela terminé, il se cherche un nouveau défi.

A 60 ans, il décide alors de gravir 60 sommets de plus de 6’000 mètres. Objectif qu’il mettra dix ans à accomplir.

J’ai besoin de ces moments avec moi-même pour ensuite me sentir bien avec mon entourage.

Daniel Perler, alpiniste nyonnais

En quarante ans d’alpinisme, Daniel Perler a surtout passé beaucoup d’heures à marcher seul. Il y trouve de la plénitude intérieure et aime se raconter des histoires. «J’ai besoin de ces moments avec moi-même pour ensuite me sentir bien avec mon entourage.»

Aujourd’hui, il est accompagnateur de montagne, organise des voyages et continue de gravir des sommets. «Je sens mon corps un peu rouillé, mais je n’ai pas l’intention de m’arrêter. J’aime marcher. J’irai peut-être moins haut à l’avenir.» L’année prochaine, Daniel Perler a déjà prévu un trek au Pérou. L’alpiniste a aussi le projet d’écrire un livre et se cherche un ou une prête-plume.

Palmarès
Fait partie des rares alpinistes suisses à avoir gravi les «Seven Summits», soit les montagnes les plus élevées des sept continents. La liste comprend l’Everest (8848 m) dans le massif de l’Himalaya, l’Aconcagua (6962 m) en Argentine, le Denali (6194 m) en Alaska, le Kilimandjaro (5892 m) en Tanzanie, l’Elbrouz (5642 m) dans le Caucase, le Massif Vinson (4892 m) en Antarctique et la Pyramide de Carstensz (4884 m) en Papouasie.

A participé 21 fois à la course Sierre-Zinal.

A gravi 60 sommets de 6’000 mètres entre ses 60 et 70 ans.

A été le 18e Suisse à atteindre le toit du monde.

Toutes ses marches cumulées, Daniel Perler a fait trois fois la tour de la Terre à pied.

Daniel Perler, le Nyonnais au sommet de l’Everest

Ancien responsable de la poste de Prangins, Daniel Perler compte parmi les alpinistes suisses les plus capés. Il nous raconte son ascension du toit du monde.